Attitude malaisante du recruteur, questions d’une autre époque, prise d’infos sur des éléments personnels, entretien de 5 minutes… Les retours des candidats témoignent souvent des mêmes expériences négatives pendant le process de recrutement.
Pourtant, je suis convaincue qu’il y a d’excellents recruteurs et des entretiens qui se passent très bien puisque j’ai des retours positifs. C’est pour cela que depuis plusieurs années, j’explique 2 choses essentielles pour moi aux candidats :
- tous les recruteurs ne sont pas mauvais : pour preuve, je connais des passionnés de leur métier et de l’humain
- derrière la question d’un recruteur, il y a une attente à décrypter
Malgré cela, j’ai de plus en plus de retours négatifs. Et je le constate au quotidien : l’image du recruteur se dégrade…
Alors est-ce que mon regard sur la réalité du recrutement est trop optimiste ?
Pour y voir plus clair, j’ai posé quelques questions sans filtre à Mohamed Achahbar de L’École du Recrutement. Et j’ai eu des réponses… sans filtre 👇
Qu’est ce qu’un bon recruteur ?
“Y a 2 jambes sur lesquelles danse un bon ou une bonne recruteuse :
- la jambe économique : faire des recrutements profitables pour l’entreprise
- la jambe sociale : faire des recrutements justes pour les candidats et candidates.
Si t’es bon dans l’un sans l’être dans l’autre, tu ne peux pas rester dans le recrutement.
Et si tu privilégies seulement la 1ère dimension, l’impact économique sans l’impact social, tu n’es pas recruteur, t’es surtout commercial.
À l’inverse, si tu prends en compte seulement la deuxième, tu ne pourras pas avoir une carrière ou bien développer une activité compétitive dans le recrutement.
Tu as besoin des deux.”
Selon toi, que manque-t-il aux recruteurs aujourd’hui ?
“Il manque les deux jambes.
En effet, pour faire des recrutements qui soient profitables pour l’entreprise et ce, sur tous les points (business, organisation, équipe et culture), il faut développer une méthode scientifique. Cette méthode est le terreau sur lequel poussera notre expertise et, in fine, notre respectabilité en tant que pro du recrutement.
Or, cette méthode scientifique de recrutement est souvent méconnue. Sans être totalement la responsabilité des recruteurs et recruteuses, il n’y a aucune formation académique et complète qui forme au métier de recruteur.
Souvent ce sont des modules perdus dans une formation RH généraliste. Soit quelques jours de formation pour un métier à plein temps.
Ce n’est pas ce que nous pensons à L’École du Recrutement. Nous considérons que le recrutement ne s’improvise pas et qu’on ne l’apprend pas sur un coin de table entre le droit social et la GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences). Surtout quand il s’agit d’apprendre la prise d’un besoin et de le challenger, piloter le sourcing et la recherche de candidatures, mener des entretiens comportementaux etc …
Puis, y a aussi le volet social. Beaucoup de recruteurs et recruteuses oublient que les gens passent un contrat moral avec eux, quand ils leur soumettent leur candidature. Ce contrat moral est simple : en soumettant ma candidature, vous ne me jugerez pas mais vous évaluerez. Autrement dit, vous serez justes et équitables.
D’ailleurs, pour l’anecdote, c’est la première demande des candidats et candidates. Cependant, beaucoup négligent cet aspect moral et social de la fonction. Ainsi, se permettent de juger sans évaluer les compétences. Par exemple, en extrapolant des qualités en fonction de nos hobbies, en ne recevant jamais de réponses à mes candidatures etc …“
Quelles sont les pires erreurs de recrutement que tu constates sur le terrain ?
“Si je devais donner un TOP 3, le voici :
1. Ne pas challenger le besoin du manager
Cela donne une perte de temps car le manager est souvent mauvais pour exprimer son besoin. Entre ce qu’il veut et ce dont il a besoin, y a un grand écart. C’est le rôle des pros du recrutement de le laser-focus sur ses besoins et non ses envies.
2. Ne pas avoir de critères objectifs de recrutement
Bon, il y a 3 catégories de critères :
- les critères discriminatoires donc illégaux,
- les critères sans aucun lien avec le poste à pourvoir donc non pertinents
- et enfin, les critères liés au poste et donc objectifs.
3. Croire que c’est aux candidats/candidates de se faire recruter
Candidat n’est pas un métier. Recruteur, oui !
C’est à celui ou celle-ci de démontrer son expertise dans sa capacité à découvrir ou trouver des candidatures de qualité.
Les gens talentueux ne viennent pas d’eux-mêmes postuler. Il faut faire preuve d’attractivité.
Ainsi, je dis souvent ça : on a les candidatures qu’on mérite. Si tu trouves que les candidatures que tu obtiens par tes annonces ou autre, ne sont pas de qualité, cela veut surtout dire que ta démarque pour attirer des candidatures pertinentes n’est pas de qualité non plus.“
Finalement, selon toi, les candidats ont-ils raison de se plaindre des recruteurs ?
“Réponse courte : oui ^^
Réponse un peu plus longue : oui, ils ont raison même si les recruteurs sont entre le marteau et l’enclume.
En effet, le recruteur ne recrute pas; il accompagne au recrutement.
Il accompagne qui ? Le manager ou le client à l’origine du besoin de recrutement. Ainsi, même s’il existe le meilleur recruteur du monde, si celui-ci ou celle-ci travaille avec le pire management ou client, cela donnera le pire du recrutement.
Y a donc une pression et une violence symbolique qui s’exercent sur les candidats qui, au final, n’est que le résultat d’une pression et d’une violence symbolique qui s’exercent sur les recruteurs par l’entreprise.
Notamment en tentant de répondre aux besoins (parfois farfelus et non pertinents) des managers ou des clients qu’il sert.“
Si tu devais donner 3 conseils aux recruteurs, que dirais-tu ?
” 1. Si tu ne penses pas faire du recrutement toute ta vie, arrête maintenant et passe à autre chose. La vie est trop courte pour faire une chose dans laquelle tu ne veux pas progresser professionnellement.
2. Si tu veux être respecté/e dans le recrutement deviens respectable. Et la respectabilité passe par l’expertise et la compétence. Développe-les et tu développeras ta respectabilité.
3. Ne te laisse pas marcher sur les pieds par la hiérarchie. Si tu es au recrutement, c’est que tu as l’expertise terrain et métier. Si quelqu’un en sait davantage que toi sur le recrutement, alors qu’il recrute.“
Face à toutes ces infos, je l’avoue : je comprends davantage pourquoi j’entends régulièrement “Les recruteurs sont nuls“.
Cela dit, il y a également une autre réalité, peut-être un peu moins visible c’est vrai : de plus en plus de recruteurs saisissent l’opportunité de prendre du recul pour s’améliorer chaque jour dans leur métier et leur pratique afin de :
- constater les manques et points de vigilance sur le terrain
- repenser le recrutement et professionnaliser les pratiques
- inclure la variable candidat dans l’équation pour une expérience positive
Et même si le chemin est long, le recrutement évolue et il évolue selon moi dans le bon sens 😉